Zone de Texte: La tuilerie de Laimont
             
 
 
Ainsi dénommée de tous temps, mais qui devait également fabriquer des briques pleines et des pavés. (carreaux de cuisine).
             Un document écrit en 1848, nous dit qu’à Laimont, une tuilerie y est établie depuis 1836, à quelques mètres du village, sur la route de Bar à Reims. La tuile est d’assez bonne qualité : c’est tout et c’est peu.
 
             Il est possible que cette tuilerie fonctionnait avant 1836, mais ce qui est certain, c’est qu’elle n’existait pas en 1772 ; témoin ce compte-rendu du procureur-syndic, dans lequel on peut relever ce passage : j’ai fait deux voyages à Villers aux Vents où j’ai acheté de la tuile pour la fontaine de Laimont.
             En effet, à Villers, se tenait une tuilerie assez importante pour l’époque, à deux fours, employant une dizaine d’ouvriers. C’était une des plus productives de la région. (voir tableau ci-après).
 
             Pour mieux connaître notre usine, il n’y a guère que l’état civil qui nous a permis de retrouver cette lignée de tuiliers.
             Nous pensons que celui qui a posé la première pierre est Pérard Louis Eléonor né et domicilié à Laimont en 1788. Décédé à Laimont le 20 juillet 1863. Il est bien qualifié de « fabriquant de tuiles ». Son épouse Fery Marie-Françoise est d’une vieille famille du village. Louis Eléonor est le fils de Pérard Jean-Baptiste et de Barnabé Marianne.
 
Cette tuilerie va changer de nom vers 1850, Louis Pérard ayant passé la main à son gendre : Larchier Auguste Florentin né à Vaubécourt en 1823, fils de Larchier Joseph Nicolas et Menetrez Rosalie de Vaubécourt. Son épouse Pérard Marie Emélie était la fille du premier fondateur propriétaire. Auguste Florentin est bien noté comme étant « tuilier » venu de Vaubécourt, autre pays de la tuile.
 
A la mort prématurée de son mari, le 11 février 1866, Marie-Emélie Pérard veuve Larchier dirige l’entreprise jusqu’en 1881. La maison prend alors le nom de : Tuilerie veuve Larchier Laimont.
 
             Puis c’est Aubertin Auguste qui en prend la direction. Né le 20 janvier 1849, il est le fils de Nicolas Eustache et de Marie Céline Barnabé (très anciennes familles de Laimont). Il a pris pour épouse Marie-Rose Larchier, descendante des tuiliers, qui apportait dans sa corbeille de mariée, une importante maison d’habitation, des ateliers de fabrication de produits en terre cuite, et des terres. Une contrée du finage en porte même le nom : « le carré Aubertin ».
 
             De 1881 à 1914, cette activité changera encore deux fois de nom :
-            Tuilerie Aubertin–Larchier
-            Tuilerie Aubertin Auguste.
 
Sans doute qu’à la mort de son épouse (1909), il devenait le seul maître à bord. Pour mémoire, rappelons-nous que Auguste Aubertin fut maire de Laimont de 1894 à 1908.
 
             En 1914, c’est la guerre, la tuilerie Aubertin, comme une bonne partie du village sera détruite lors des combats de septembre. C’était un mauvais coup du sort, si elle avait été épargnée, elle aurait tourné à plein pour la reconstruction.
 
Hélas, ce n’est qu’entre 1922 et 1925 que les ruines seront relevées. La maison Aubertin était refaite à neuf, mais pas l’usine. Certainement que son propriétaire avait jugé qu’il ne pouvait plus lutter contre la concurrence.
 
             Une usine moderne venait d’être établie à Revigny avec une importante réserve de matière première, l’argile à sa porte (toute une colline) avec des séchoirs à air chaud, des fours à gaz élaborés sur place et des mécanisations pour presser les tuiles, ainsi que des mouleuses à briques creuses.
 
Il y avait aussi des usines à Pargny sur Saulx qui sortaient de la très bonne qualité. L’éloignement n’était plus un problème avec l’apparition des camions automobiles. Et puis disons que notre dernier tuilier n’était plus tout jeune (décédé le 1er décembre 1925, il avait alors 76 ans), pas d’héritier et veuf depuis de nombreuses années, toutes les conditions étaient réunies pour voir l’extinction de ce métier dans notre commune.
 
             A titre de comparaison, disons qu’à Laimont, cette maison avait tenu 80 ans, alors qu’à Revigny, l’usine moderne qui avait fait tomber toutes les petites unités des environs, a eu du mal à boucler le demi-siècle. Cette usine de Laimont aurait pu survivre grâce au filon d’argile qui se trouve à proximité.
 
L’implantation du centre d’enfouissement technique sur le même versant et à quelques centaines de mètres, nous a révélé une épaisseur d’argile du Gault d’environ 30 mètres en haut de la colline et une douzaine en bas près du ruisseau, ce qui aurait représenté bon nombre d’articles en terre cuite. Le sort en a décidé autrement.
 
Nous pourrons mettre ici quelques dates, points de repère de l’évolution des bâtiments.
 
19 août 1888 : Demande du déplacement du chemin d’accès à la tuilerie.
             Demande présentée par Monsieur Aubertin Larchier demeurant à Laimont, afin d’obtenir le déplacement du chemin actuel par lequel il sort les produits de sa tuilerie et à le reporter quelques mètres plus bas sur un terrain de la commune afin de rendre plus facile l’accès de son usine. Report du chemin précité au point kilométrique 0,005 au lieu de 0,1075 sur la départementale N°15 de Bar le Duc à Reims.
 
Novembre 1929 : Ces bâtiments semblent vouloir se trouver une autre vocation.
             Le conseil se prononce contre le projet de l’établissement d’une porcherie (ancienne tuilerie). Trop près des chemins à grande circulation (15 bis en bordure et 4 bis à 100 mètres) Proximité du lavoir, de la source, des abreuvoirs.
 
Vers 1937 :
             D’après les souvenirs d’anciens du village, un élevage de porcs a bien eu lieu, sans qu’il n’y ait d’écrits l’autorisant, mais n’a perduré que peu de temps. (éleveur Monsieur Pierre Lahalle de Bonnet).
 
1939 – 1940 :
             C’est la 15ème compagnie du 4ème bataillon du 344ème régiment d’infanterie qui occupe une grande partie de la maison.
 
             Depuis le décès de son ancien patron, cette demeure toujours nommée « la tuilerie » est passée en de nombreuses mains, en location.
 
             L’héritier de Auguste Aubertin n’était autre que son frère, l’abbé Achille Aubertin, lui-même très âgé et décédé en 1935. La maison a ensuite été achetée par Monsieur Bourcillier de Bar. Il l’avait loué à Pierre Lahalle qui venait de Bonnet. C’était un célibataire éleveur de porcs.
 
Elle a ensuite été vacante quelques temps et pendant la deuxième guerre mondiale, c’est une famille nombreuse de bûcherons qui y résidera (la famille Milesi), trouvant dans cette grande bâtisse un peu plus de confort que dans leur cabane forestière de planches et de tôles, déménagée au hasard des coupes de bois.
 
             Puis c’est Alphonse Muller, dont le souvenir est encore présent dans nos mémoires qui s’en rendra acquéreur en 1949. Fuyant le régime nazi dans sa Moselle natale, il est venu s’installer à Laimont en 1942 comme agriculteur. Se sentant un peu à l’étroit dans la maison qu’il occupait rue du château, cette fois il avait vu grand. Le domaine repartait à sa destinée première d’avant la tuile, c’est à dire la ferme.
 
             Et tout près de nous, il y a seulement quelques années, « la tuilerie » changera encore deux fois de propriétaire.             
 
Les tuileries en Meuse
 
Importée par les romains, la tuile n’a connu de véritable développement qu’à partir du XVIIIème siècle en remplacement des couvertures en chaume trop favorable aux incendies. Dès lors, les tuileries se sont multipliées pour satisfaire la demande locale, les transports étant peu développés, il fallait produire au plus près du lieu de consommation.
 
             Les tuileries deviennent des établissements privés employant 3 ou 4 personnes au XIXème siècle. Les tuileries fabriquent essentiellement de la tuile canal, des pavés qui vont recouvrir la terre battue des cuisines des maisons rurales ainsi que des briques pour la construction.. Les tuiles les plus estimées du département proviennent de Romagne, de Villeforêt, de Rangevel, grâce à l’argile oxfordienne de la Woëvre.
 
             Dans le département de la Meuse en 1852, on y trouve environ 80 tuileries avec un nombre d’ouvriers très variable. Les unes cuisent jusqu’à 14 fournées par année, d’autres n’en font que quatre. La capacité des fours est généralement comprise entre 20 000 et 25 000 tuiles ou briques. Souvent, on utilise l’excès de chaleur pour faire cuire à chaque fournée une certaine quantité de chaux.         
 
             La production totale du département s’élève à 18 000 000 tuiles ou briques par an, dont la valeur moyenne est de 24 francs le mille pris à l’usine.
 
             Le nombre d’ouvriers employés est d’environ 375 mais beaucoup d’entre eux sont des femmes et des enfants. On y trouve rarement plus de deux hommes parmi les ouvriers, un cuiseur ou fournier chargé de la direction des fournées et un ou deux marcheurs qui conduisent les animaux chargés de pétrir la terre.
 
La terre est extraite généralement en hiver puis mise dans une fosse à tremper pour finir pétrie sous les pieds de bœufs ou chevaux que l’on fait marcher cinq ou six heures consécutives. Elle est ensuite moulée par les femmes mais aussi par les enfants. Ils portent eux-même leurs tuiles au
séchoir puis au four. Deux bonnes ouvrières peuvent faire en une journée 1250 à 1500 tuiles.
 
Les tuiles ne sont sèches qu’au bout de quinze jours. La fabrication n’a lieu que du 15 avril au 10 octobre. La cuisson d’une fournée dure huit jours continus, il faut six jours pour la mise au four.
 
             Dans une fournée de 25 000 à 30 000 tuiles, il faut 20 à 25 stères de bois et 1500 à  2 000 faguettes.
 
             Dans l’arrondissement de Bar le Duc, le cuiseur gagne huit francs le mille, le marcheur 500 francs par année de travail, les mouleuses 200 à 300 francs par an.
 
             La tuilerie de Laimont avait entre huit et dix ouvriers qui pratiquaient dix fournées par an. Son four avait une contenance de 30 000 tuiles ou briques pour une production annuelle de 300 000 unités.
 
             Le prix moyen du mille à l’usine de Laimont se situe entre 18 et 25 francs. Son argile, qui provient des couches à plicatules et du Gault donnent des produits estimés.
 
             Puis apparaît la tuile mécanique à emboîtement grâce à la machine à vapeur. Dès lors, les modèles vont se diversifier mais notre région va continuer pendant un certain temps à utiliser la « tige de botte ». Les tuileries industrielles se développent, on y trouve les noms de Delacourt, Benoit, Huguenot, Gilardoni etc…
 
             Parallèlement, une production d’accessoires voit le jour : tuiles de rive, faîtières, frontons, lanternes… Autant d’éléments qui témoignent du souci que l’on avait de soigner la toiture de sa maison.
 
La tuile romaine
 
C’est en Champagne et à la limite ouest de la Lorraine qu’au XIXème siècle, et jusqu’à la première guerre mondiale, que se fabriquent les tégules. Héritières de la tégula romaine, elles sont de forme trapézoïdale, sans encoche, ce qui leur permet de se recouvrir et de s’emboîter les unes aux autres.
 
Si certaines sont moulées à la main, la plupart sont pressées à Pargny sur Saulx, Maurupt le Montois, les Islettes, Passavant en Argonne, Cousancelles, Revigny, St Dizier… Elles sont de dimensions variables : leur longueur peut aller de 31 à 37 cm et leur largeur de 18-20 cm à 21–22,5 cm selon les extrémités.
 
La sous-face de presque toutes les tégules présente des nervures en losanges qui limitent le contact avec le lattis, évitant ainsi sa pourriture, et qui permettent une meilleure adhérence, puisqu’elles sont posées à plat, sans crochet ni clou.  On leur associe toujours la tuile creuse, reconstituant ainsi le modèle de couverture romaine, particularité spécifique à une petite région s’étendant de la Meuse à l’Est à Châlons en Champagne à l’Ouest, à Verdun au Nord et à Troyes au Sud.
 
Pour empêcher le recul de l’eau par grand vent, certaines tégules présentent une nervure transversale à leur bord supérieur. Un fabricant de Reynel (Haute-Marne) a doté ses tuiles de nervure transversale à leur bord supérieur et, au bord inférieur du revers, d’une rainure où doit venir s’encastrer la nervure de la tuile du dessous ; les tuiles sont ainsi rendues solidaires l’une de l’autre et ne peuvent plus glisser. Léon Benoit de Cousances est le seul, à notre connaissance à avoir fait une tégule à vitre.
 
La toiture constituée de tégules est lourde : elle pèse près de 75 kg au mètre carré, ainsi ne faut-il pas s’étonner si les charpentes qui la supportent sont particulièrement imposantes. Cependant, elle ne manque pas de qualités ; voici ce que l’on en dit dans le catalogue de la tuilerie Delacourt (Cousancelles, Meuse) de 1897 :
 
1-          Sa légèreté, le mètre carré pèse 75 kg au lieu de 100 kg.
2-          Sa grande stabilité, elle ne se déplace pas sous les pieds des couvreurs et ne nécessite pas une infinité de petites cales.
3-          Surtout, la facilité d’écoulement des eaux (plus de gouttières produites par les engorgements de poussière, feuilles, etc…)
 
Ce genre de toiture tend à disparaître puisque l’on ne fabrique plus de tégules qui peuvent être avantageusement remplacées par la tuile dite romane que de nombreux fabricants proposent.
 
La tuile violon
 
En novembre 1844, Sylvestre Robelin, tuilier au moulin de Courbahon situé sur la commune de Vyt-les-Belvoir (Doubs) obtient, pour un modèle de tuiles, un brevet d’invention dont Albert Schlumberger devient propriétaire quelques années après.
 
C’est en 1848 que Schlumberger, après avoir entièrement changé le système d’emboîtement et de recouvrement de la tuile de Robelin, présenta la tuile violon qui a connu un certain succès en Lorraine-Champagne et en Franche-Comté.
 
Si presque toutes se ressemblent, quelques modèles se distinguent : Simon et Vivenot de Ligny en Barrois (Meuse) sont les seuls à fabriquer une tuile petit moule (21 cm de long pour 10 cm de large), Demimuid à Commercy (Meuse) et Crivisier à Rambervillers (Vosges) créent une tuile à double face, réversible.
 
             Beaucoup de tuiliers ont fabriqué des tuiles quasiment identiques, ce qui permet de les utiliser conjointement sans que l’imperméabilité de la toiture ait à en souffrir : on peut ainsi mêler indifféremment les tuiles de Driout (Reynel en Haute-Marne), Lamontre (Reynel) et Aubry (Jubainville, Vosges) avec celles de Lequin (Rorthey, Vosges) ; celles de Léon Benoit de Cousances se marient très bien avec les tuiles Simon et Vivenot. Par contre les modèles de Demimuid et de Crivisier n’acceptent aucune autre tuile.
 
             La tuile violon peut mesurer de 33 à 36 cm de long pour 15 à 18 cm de large. Il en faut 42 à 43 pour couvrir un mètre carré qui pèse de 55 à 65 kg.
 
Elle figure encore dans  le catalogue de 1897 de la tuilerie Delacourt à Cousancelles (Meuse) où elle est qualifiée de « tuile gothique » et dont on dit qu’elle s’emploie souvent comme bordure de jardin ; elle n’est plus fabriquée après la première guerre mondiale ; on peut la rencontrer encore sur des toits du Sud-Meusien, à l’ouest des Vosges, en Haute-Marne et dans l’Aube, dans le Doubs et le nord du Jura où il y avait, chez Bourcet à Thervay, une fabrique de ces tuiles.
 
La tuile plate
 
Comme la tuile creuse, elle apparaît vraisemblablement aux XI–XIIème siècle avec l’extension des ordres monastiques et l’architecture religieuse romane. Elle couvre essentiellement les toits de la France du Nord et de l’Est et elle demande une pente supérieure à 45° pour assurer le bon écoulement de l’eau de pluie que sa forme ne permet pas de canaliser.
 
L’Alsace se distingue par un modèle spécial, la Biberschwanz ou « queue de castor », mesurant généralement 18 cm sur 38 cm. Les tuiles alsaciennes anciennes, comme les tuiles francs-comtoises des XVIII –XIXème siècle, présentent des traces de doigts caractéristiques sur la face extérieure ; ces traces étaient orientées de façon à favoriser l’écoulement de l’eau vers la pointe de la tuile.
 
             La pose se fait à joints croisés, indispensable à l’étanchéité, et chaque tuile supérieure recouvre la précédente de deux tiers, si bien que le pureau, partie laissée visible, est du tiers (pose en tierce).
 
             En Alsace, la pose « simple » a quasiment disparue ; celle-ci se reconnaît à l’alignement des rangées de tuiles dans le sens vertical ; les tuiles étant simplement jointives, il subsiste entre elles un espace réduit comblé intérieurement par une mince languette de bois (Dachschindel).
 
             Pour confectionner sa tuile, le mouleur remplissait d’argile un cadre de bois, bien humide et posé sur une surface sablée ; le crochet ou ergot était fait avec le supplément de terre offert par l’encoche comprise dans la barre du haut du moule.
 
Avant d’être mises à sécher sur des perches de bois sous la halle (séchoir à air libre), les tuiles étaient exposées dans la cour de la tuilerie où pouvaient divaguer chiens, chats, poules, porcs…, ce qui explique la présence d’empreintes que présentent certaines tuiles ; d’autres peuvent porter des inscriptions diverses.
 
             Très connues sont les tuiles plates émaillées ;l elles apparaissent en Bourgogne dès le XIVème siècle et sont dites « tuiles plombées » à cause de la glaçure au plomb qui les recouvre.
 
             Les toits colorés des Hospices de Beaune et les clochers de Franche-Comté en sont un bel exemple.
 
La tuile canal
 
La tuile canal qu’on appelle aussi creuse, ronde ou encore tige de botte, est une survivance de l’imbrex des romains et s’est imposée dès le XIIème siècle à la fois comme tuile de coulant et de couvrant.
 
Sa fabrication artisanale nécessitait un cadre qui permettait au tuilier d’obtenir une plaque trapézoïdale qu’il courbait sur une forme en bois, ce qui donnait à la tuile un aspect régulier.
 
Que des femmes aient pu donner à ces tuiles leur forme en les appliquant sur leur cuisse ou leur jambe n’est pas impossible, mais cela relève plus de l’anecdote que de la réalité, car cette méthode interdisait l’usage d’une terre molle, ce qui rendait  plus difficile le travail du tuilier et ne devait pas permettre une production journalière importante.
 
             Les dimensions des tuiles canal varient selon les régions. En Lorraine, elles ont en moyenne 42 cm de long pour une largeur de 13 à 17 cm aux extrémités. Dans le Sud-Ouest elles sont plus longues (46 à 48 cm) et en Bourgogne, plus courtes et plus larges. Les tuiles faîtières diffèrent par leur largeur ; on peut en rencontrer parfois d’exceptionnelles, telle celle qui, exposée au musée, mesure 90 cm de long pour 27 et 31 cm de large et qui provient de l’église de Chevillon (Haute-Marne).
 
             L’utilisation de la tuile canal sur des toits à forte pente a provoqué l’apparition de tuiles munies d’un crochet sur la partie convexe la plus large ; elle est utilisée comme coulant car elles peuvent être retenues par des liteaux. Les tuiles de couvrant possèdent alors un ergot sur la face convexe, près de l’extrémité étroite, qui fait usage de butoir empêchant la tuile supérieure de glisser ; il suffisait alors de fixer la tuile qui était à l’égout du  toit pour que toute la rangée tienne. En Alsace, ce modèle de couverture a été supplanté par la tuile plate.
             
C’est sur ces tuiles que l’on rencontre le plus souvent des inscriptions de tous genres, faites au moyen d’un objet pointu ; parfois la tuile ornée d’une feuille, d’un épi ou d’une fleur, que l’on a pressé sur la terre encore molle.
 
             Selon les oxydes métalliques que contient l’argile, selon la température de cuisson, selon l’essence de bois utilisé, on obtenait des coloris différents, allant du jaune pâle, presque blanc, au rouge foncé en passant par le rose, l’orangé… Les toitures faites de tuiles canal sont lourdes, 65 à 75 kg au mètre carré, ce qui exige de robustes charpentes.
 
La tuile à emboîtement
             
C’est en mars 1841 qu’est délivré aux frères Xavier et Joseph Gilardoni d’Altkirch, un brevet de dix ans pour un procédé de fabrication de tuiles avec un système d’emboîtement et de canaux d’écoulement intérieur.
 
Il fallut attendre quelques améliorations pour que ce modèle de tuile connaisse un vif succès pour plusieurs raisons :
-            sa légèreté (2,8 kg),
-            la facilité de pose,
-            l’économie de charpente (14 à 15 tuiles au mètre carré ne pèsent plus que 42 à 45 kg au lieu de 65 – 70 kg)
-            et une bonne étanchéité.
 
Très vite, les Gilardoni cèdent leur brevet à des tuileries intéressées : à Marseille, à Deyvillers (Vosges), à Montchanin et Ecuisses (Saône et Loire)… Plus tard, lorsque le brevet est tombé dans le domaine public, tous les tuiliers se mettent à fabriquer ce que l’on appelle communément « la tuile losangée ». En effet, au milieu de cette tuile on trouve un losange qui évite l’affaissement de la tuile quand celle-ci est mise à sécher et qui lui donne plus de rigidité ; sous le losange, la saillie triangulaire a pour effet de diriger l’eau des deux côtés du couvre-joint inférieur.
 
La tuile s’accroche au lattis par deux crochets et certaines sont munies, au-dessous, d’une saillie ou panneton percé d’un trou dans lequel on passe un fil de fer qu’on attache au liteau.
 
L’utilisation de la vapeur a permis une mécanisation de la fabrication : malaxage des terres et pressage des tuiles, d’où le qualification de « mécanique » qu’on donne à ces tuiles.
 
La tuile à emboitement se présente sous la forme d’un grand moule (13 à 15 tuiles au mètre carré) et, plus rarement, d’un petit moule (20 à 22 tuiles au mètre).
 
             Au XIXème siècle, les chambres de commerce organisent des expositions industrielles auxquelles participent des fabricants de tuiles. Des médailles récompensent certains tuiliers qui, fiers de leur production dont la qualité a été ainsi reconnue, l’inscrivent alors sur la sous-face de leurs tuiles.
 
             Très vite, avec la fabrication de la tuile à emboîtement sont apparues de très nombreuses pièces nécessaires à une bonne toiture, les accessoires : demi-tuiles, faîtières, tuiles à douille, chatières, rives, frontons…
 
             Les demi-tuiles sont nécessaires lorsque la tuile se pose à joints croisés ; à l’extrémité de chaque rangée le couvreur est alors obligé de placer une demi-tuile à gauche ou à droite pour terminer en bordure de rive.
 
             Les tuiles faîtières, semi-circulaires ou angulaires, couvrent le faîtage d’un toit. Elles peuvent se recouvrir ou s’emboîter ; à chaque modèle de tuiles correspond un modèle de faîtière. Non seulement les faîtières à crête sont décoratives, mais elles résistent mieux au vent parce qu’elles sont plus lourdes.
 
             Les tuiles arêtières sont utilisées pour raccorder deux pans de toit.
 
             Les tuiles de rive sont en forme d’équerre et protègent la rive latérale d’une couverture. Au pignon, le raccord se fait avec un fronton qui est supporté par la panne faîtière et qui est aussi cloué, de préférence avec des clous en cuivre ou inoxydables. A leur extrémité, les tuiles de rive présentent un « about de rive », about gauche ou droit.
 
Certaines tuiles sont percées soit pour l’éclairage des combles, dans ce cas le trou est obturé par une vitre, ou pour les conduits d’aération, ce sont alors les tuiles à douille dont le trou est chapeauté par une lanterne. Les lanternes servent aussi de chapeau aux conduits de cheminée.
 
             L’épi de faîtage est un ouvrage en terre cuite ou en métal qui recouvre l’extrémité du poinçon ; il présente de plus en plus un effet décoratif, les poinçons étant maintenant sectionnés au niveau de la panne faîtière et ne dépassant plus du toit.
 
             Les chatières sont des tuiles qui permettent l’aération des combles, absolument nécessaires si l’on veut conserver une toiture saine. En effet, les tuiles, et la terre cuite en général, possèdent la propriété naturelle d’être imperméables mais poreuses, ce qui leur confère cette qualité unique d’absorber l’eau pour la rejeter ensuite ; on dit que la tuile « respire ».
 
Afin d’éviter que l’intrados reste dans une atmosphère confinée et sursaturée d’humidité, il convient donc d’aérer la sous-toiture pour créer un échange entre l’atmosphère ambiante et celle de la sous-face de la toiture. Si cette précaution n’était pas prise, il y aurait risque de pourrissement des charpentes et les phénomènes de gel et dégel successifs provoqueraient à la longue la désagrégation de la terre cuite. Certaines chatières sont grillées (la grille est en terre cuite) : cela interdit aux oiseaux, et aux moineaux en particulier, de venir nicher sous la toiture.
 
             On a aussi, au XIXème siècle, fabriqué une tuile particulière utilisée pour protéger le sommet des murs de clôture : c’est la tuile chaperon.
 
© Photothèque de Laimont (Meuse) Octobre 2003.